Affaire Aline Sepret : le chanteur de cabaret jugé pour l’assassinat de sa partenaire

“Procès pour assassinat qui s’ouvre à Lyon devant la cour d’assises du Rhône : Comme à son habitude, le cabinet répond présent lors des grands rendez-vous judiciaires !” Damien Legrand

Loin des feux de la rampe, l’ancien chanteur de cabaret Mikael Corcessin-Dervin, 42 ans, va devoir affronter les projecteurs de la justice. Durant quatre jours, c’est au regard des jurés et des proches d’Aline Sepret, son ancienne compagne, que cet apprenti boulanger devenu musicien fera face. L’homme comparaît à partir de ce mardi 24 mai 2022 devant la cour d’assises du Rhône pour l’assassinat de cette danseuse âgée de 35 ans, dont le corps entièrement calciné avait été découvert par un promeneur dans son véhicule près de Taluyers (Rhône), le 16 juin 2018, à quelques kilomètres du domicile du couple.

À la façon d’un Jonathan Daval, Mikael Corcessin-Dervin, alias Maeky Sieme sur scène, avait d’abord tenté de faire croire à la disparition de sa femme dans la nuit au prétexte qu’elle serait partie lui chercher « une surprise ».

Tuée et brûlée après avoir été probablement droguée : pour les juges d’instruction lyonnais qui se sont relayés sur ce dossier, ce féminicide est un acte prémédité – ce que l’intéressé a toujours nié. Entendu à de multiples reprises, l’ex-chanteur n’a cessé de varier dans les scenarii : il s’est d’abord arc-bouté sur celui d’une chute mortelle par accident, n’admettant une responsabilité qu’après un an d’enquête.

Il évoque un « trou noir »

« J’ai poussé violemment Aline, qui a fait une chute par-dessus une chaise dans la cuisine et est allée heurter une marche d’escalier », écrit-il au premier magistrat instructeur à l’été 2019 en décrivant un contexte de dispute conjugale. Mikael Corcessin-Dervin n’est jamais allé au-delà de cette version depuis et conteste toute intention homicide. Il est défendu par un duo de pénalistes du Nord, Me Loïc Bussy et Me Damien Legrand, qui espèrent que ce procès permettra que « sa parole se déverrouille ».

« Je vais te chercher une surprise, je reviens vite (…) Je t’aime mon homme », dit le SMS que Mikael Corcessin-Dervin affirme avoir reçu d’Aline Sepret le 15 juin 2018 à 21h45 quand il signale aux gendarmes le 16 à l’aube qu’elle n’est pas rentrée – il concédera l’avoir écrit lui-même. Quant aux griffures sur son visage, l’homme explique qu’Aline Sepret les lui aurait faites par mégarde alors qu’ils démontaient un arbre à chats…

L’objet aurait en réalité servi de combustible pour activer l’incendie de la voiture où le corps de la jeune femme sera découvert quelques heures plus tard. « Je me suis souvenu qu’elle voulait être incinérée (…) J’ai pensé mourir avec elle », explique-t-il en invoquant « un trou noir ». Plutôt « une façon de faire disparaître des traces et indices d’un geste criminel », considère l’accusation, pour qui les amnésies dont il dit souffrir surviennent quand l’ex-artiste se trouve « en difficulté face à la réalité des faits ».

Un mobile encore à éclaircir

Parmi ces « traces et indices », le patient travail des experts a permis d’établir qu’Aline Sepret n’a pas reçu de choc à l’arrière de la tête mais serait morte étouffée ou étranglée après « une asphyxie mécanique » – des fragments de tissu calciné ont été découverts autour de son cou et dans sa bouche. Élément clé retenu pour étayer la préméditation, des analyses toxicologiques ont établi la présence d’amitriptyline dans le corps de la victime, dans deux verres et le siphon de l’évier de la cuisine.

Or cet antidouleur et antidépresseur réputé pour ses puissants effets léthargiques lui était uniquement prescrit à lui depuis un accident de la route survenu en 2017. Lui aurait-il servi à droguer sa compagne ? « Aline pratiquait l’automédication », a-t-il avancé, niant avoir versé quoi que ce soit dans les verres de rosé et de vodka-grenadine qu’ils auraient bus ce soir-là.

Mikael Corcessin-Dervin avait rencontré Aline Sepret en 2013 lors d’une répétition. « Un coup de foudre », a-t-il décrit, clamant toujours son amour pour elle tandis que l’exploitation de ses supports informatiques a démontré qu’il échangeait secrètement avec d’autres femmes. L’enquête a lézardé l’image glamour d’un couple perçu comme uni par son entourage : lui, diminué depuis son accident et cloîtré chez lui, aurait-il jalousé la réussite de sa concubine, dont la compagnie de danse décollait ? Le procès éclairera-t-il le mobile de ce féminicide ?

Pour les proches d’Aline Sepret, il sera l’occasion d’évoquer la mémoire de cette femme discrète, indépendante et passionnée. « Ils sont confiants parce que la justice, à travers deux juges d’instruction opiniâtres, leur a montré qu’elle était capable de démêler le vrai du faux, exprime leur avocat, Me Patrick Uzan. Leur seule crainte est que l’accusé cherche, pour sa défense, et compte tenu de sa duplicité, à salir l’image de la victime. » Le verdict est attendu vendredi. L’accusé encourt la perpétuité.

Ecrit par Pascale Egré,

Voir l’article sur le site du Parisien.