Remise de peines : « Du laxisme ? Certainement pas à Lille ! »

“Depuis de nombreuses années, le cabinet développe une expertise pointue en droit de l’aménagement de peines. Un domaine de spécialistes, qui allie expérience et technicité, et qui n’autorise pas les approximations.” Damien Legrand

En droit français, il existe des réductions de peine automatiques et un principe accordant des aménagements en fonction des efforts fournis par un justiciable définitivement condamné à l’incarcération. « Le système au mérite existe déjà, insiste Quentin Lebas. Les grandes déclarations d’aujourd’hui constituent un faux débat. Réformer les remises de peine représenterait même un danger. » (voir ci-contre). « À Lille, la réponse pénale n’est pas laxiste. Elle a même tendance à se durcir. »

Plusieurs faits divers récents, notamment des attaques contre des policiers, chauffent l’opinion à blanc. Souvent en défense au pénal, Me Lebas ferraille régulièrement avec des magistrats lillois dans le prétoire. Il n’ira certainement pas les accuser de « laxisme ». « À Lille, la réponse pénale n’est pas laxiste, reprend Quentin Lebas. Elle a même tendance à se durcir. » Lui met en garde contre une modification des règles concernant les prisonniers vers une plus forte rigidité.

« Quand quelqu’un avec un emploi et une famille est condamné à une courte peine, personne n’a intérêt à l’incarcérer, rebondit son confrère Damien Legrand. À l’inverse, un délinquant d’habitude condamné à une peine aménageable, mais sans projet personnel, aura toutes les chances de partir en cellule. » Habitué des coups de gueule avec les magistrats, Me Legrand n’ira certainement pas leur reprocher d’avoir la main qui tremble. « Obtenir un aménagement de peine tient du parcours du combattant, le rejoint Cherifa Benmouffok, rompue aux lourds dossiers criminels. On est face au ministère public qui traque les fausses fiches de paie, les certificats d’hébergement bidons, etc. »

« Pas de signes de faiblesse »

Et l’avocate d’insister : « Si quelqu’un connaît des soucis en détention, on lui supprimera ses remises de peine et il aura des problèmes pour son aménagement… » « Quand une personne sort, c’est que les astres se sont alignés, ironise Xavier Raes, un autre pénaliste. Le juge, le parquet, toutes sortes d’acteurs sont tombés d’accord. À Lille, il n’y a pas de signes de faiblesse. Au contraire, on affronte une certaine forme de rigueur… »

« Si on enlève au détenu la possibilité de voir sa peine transformée, ça va dégénérer, met en garde Quentin Lebas. Si on lui retire tout espoir, ça va être une véritable poudrière… » Et un autre avocat, souhaitant rester anonyme, d’ajouter : « Les prisonniers cherchant à obtenir des aménagements de peine tentent parfois de repérer les juges d’application des peines les moins sévères. Ils sollicitent alors leur transfert dans une prison de leur secteur avant de lancer la démarche. Croyez-moi, personne ne demande à être transféré à Lille ! »

Le contexte

L’Assemblée nationale a adopté, ce mardi 25 mai, la loi « confiance dans la justice » portée par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Un texte qui prévoit notamment la fin des réductions de peine automatiques. « Je souhaite conditionner les réductions de peine à l’effort », a notamment déclaré le ministre de la Justice. Désormais, le juge de l’application des peines pourra accorder des réductions allant jusqu’à 6 mois par année de détention (ou deux semaines par mois pour les peines inférieures à un an) pour les condamnés ayant « donné des preuves suffisantes de bonne conduite » ou manifestant des « efforts sérieux de réinsertion ».

Ecrit par Lakhdar Belaïd

Publié le 26/05/21, voir l’article sur le site de La Voix du Nord