“Le cabinet intervient au procès de la fusillade de Sequedin pour dénoncer ce que l’institution judiciaire est capable de produire de pire. Comme toujours, nous combattons pour que chaque mis en cause dans un procès pénal bénéficie des garanties du procès équitable. Des conclusions ont été soutenues à l’audience et la chambre criminelle de la cour de cassation vient d’être saisie d’une requête en suspicion légitime.” Damien Legrand
Le 22 novembre 2017, en milieu de matinée, une fusillade éclate sur le parking du centre pénitentiaire de Sequedin. Un détenu, tout juste libéré, est visé par des tirs au fusil automatique. Il s’en sort miraculeusement indemne. L’enquête s’oriente vers un règlement de compte, sur un fond de trafic de stupéfiants.
Trois hommes comparaissent dans ce dossier ce jeudi devant la juridiction interrégionale spécialisée de Lille (Jirs), pour un procès de deux jours. Nabil H., 28 ans est accusé d’être le tireur, Moussa B., 29 ans, un complice qui aurait fait des repérages. Tous deux contestent. Ils sont aussi jugés comme trafiquants de produits stupéfiants. Redouane F., 26 ans, a été rallié à la fusillade pour “associations de malfaiteurs”. Il est aussi jugé pour blanchiment, on a trouvé chez lui, dans un coffre, 67 930 €.
Requête en suspicion légitime
Ce jeudi matin, l’accès à la salle d’audience est filtré, le palais de justice surveillé et les escortes lourdement armées. Le ton est donné, on juge « du lourd ».
Mais pour les avocats de la défense, ce procès ne doit pas avoir lieu à Lille. Me Thomas Bidnic, qui défend Moussa B., a d’abord déposé une requête en suspicion légitime auprès de la Cour de cassation. La démarche est assez rare. L’avocat parisien affirme que les conditions ne sont pas réunies pour que le procès puisse se dérouler dans les conditions équitables. La volonté de maintenir Moussa B. en détention provisoire à tout prix jusqu’au procès ne garantit pas, pour l’avocat, l’impartialité des juges lillois.
Bras de fer à l’audience
Entre 2018 et 2020, Moussa B. a été mis en examen dans quatre procédures criminelles, par le même juge d’instruction. Entre exécution de peine, et placements en détention provisoire, l’incarcération de Moussa B. est un véritable jeu de bonneteau que Me Bidnic décortiquera à l’audience. Démontrant qu’il est détenu arbitrairement depuis le 17 juillet 2020. À cette époque, Moussa B. avait fait appel de sa détention provisoire. Une demande qui n’a jamais été débattue en audience, premier dysfonctionnement. Moussa B. s’en plaindra sans qu’on l’écoute. L’avocat devra insister pour que les recherches soient lancées. Un fonctionnaire du centre pénitentiaire de Beauvais sera finalement accusé d’avoir dissimulé le document. Me Bidnic n’y croit pas et s’étrangle : “On appelle ça un sacrifice”…
“L’impartialité du tribunal correctionnel n’est pas visée.”
C’est jeudi, soutenu par ses confrères, il s’indigne : “ Vous allez juger un homme séquestré, c’est une honte!” La procureur Camille Gourlin rejettera cette demande : “L’impartialité du tribunal correctionnel n’est pas visée. Aucun des trois juges ne siégeait au moment de l’affaire”. La présidente Audrey Bailleul soulignera à son tour que la requête ne vise pas le Jirs et ajoute: “La décision de retenir le dossier ne peut, à elle seule, représenter une violation de la présomption d’innocence à l’encontre des prévenus.”
Me Bidnic voudra faire appel de cette décision et de nouveaux incidents éclatent quand le greffe.
Publié le 04/02/2021, voir l’article sur le site de la Voix du Nord.