“Très actif dans le cadre de la procédure d’information judiciaire où la famille d’Aurélie est constituée partie civile, le cabinet vient de saisir officiellement quatre ministres, dont le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur, d’une demande d’inspection général des services. Il est indispensable que cette inspection soit ordonnée, pour que le combat contre les violences faites aux femmes soit réellement mené, et que plus jamais de tels dysfonctionnements ne soient constatés.” Damien Legrand
Aurélie Langelin aurait dû fêter ce mardi ses 34 ans. A la place, ce jour-là, l’avocat de sa famille a adressé une lettre à quatre ministres, dont le garde des Sceaux. Il demande une inspection générale des services de justice sur les faits qui ont précédé le meurtre de la jeune femme, victime de violence conjugale. «Les manquements et dysfonctionnements sont tels qu’on arrive à montrer qu’elle ne serait pas décédée si les policiers avaient fait correctement leur travail», assure Me Damien Legrand auprès de Libération. Aurélie Langelin a été retrouvée morte le 31 mai 2021 au domicile de son conjoint à Douai (Nord). Karim B., déjà condamné à de multiples reprises «nie toute violence» mais reste le seul suspect. «Il écrit régulièrement des lettres au juge d’instruction pour lui assurer qu’Aurélie s’est suicidée en se frappant seule contre les murs. Elle a été retrouvée avec 139 plaies, ecchymoses et excoriations.»
«Incompréhension totale»
Comment expliquer la mort d’Aurélie alors que quelques heures plus tôt, «un équipage de police, alerté par le voisinage, s’est rendu sur place» et a ainsi été «témoin des violences [qu’elle] était en train de subir» ? Le 30 mai, aux alentours de 19 heures, cinq policiers interviennent pour un «différend de voisinage». D’après les actes de procédure, rapportés par l’avocat de la famille, les agents se contentent «d’inviter fermement» Karim B. à retourner à l’intérieur de son domicile pour «laisser en paix» les habitants du quartier. La présence d’Aurélie n’est pas mentionnée.
Mais au petit matin, vers 5 heures, trois policiers de la même équipe retournent sur place avec des pompiers et le service mobile d’urgence et de réanimation (Smur). Aurélie est morte, son corps «couvert de coups au niveau du visage et au niveau des bras», son visage est même «entièrement tuméfié». Les fonctionnaires de police reconnaissent alors avoir vu, lors de leur première intervention, qu’elle présentait «une trace bleue sous l’œil gauche» mais assurent qu’ils n’avaient pas été appelés pour «un problème de couple», ce qui justifierait leur inertie. Une situation qui laisse la famille d’Aurélie «dans l’incompréhension la plus totale, regrette Damien Legrand. Ils ne comprennent pas pourquoi les forces de l’ordre ne lui ont pas porté assistance. C’est hallucinant».
Multiples plaintes
L’avocat pointe deux autres «dysfonctionnements» plus précoces dans sa missive. Il rappelle que depuis 2018 «plusieurs plaintes» et «mains courantes» avaient été déposées par Aurélie Langelin contre Karim B. auprès du commissariat de police de Douai. Mais à plusieurs reprises, elle ne vient pas confirmer ses plaintes, ou refuse de se porter partie civile. Son conjoint est toujours relaxé ou mis hors de cause. «Elle était sous son emprise. La multiplicité de ces plaintes aurait dû alerter», martèle le conseil. D’autant plus que le mis en cause était «porteur d’un bracelet électronique» au moment du meurtre. Enfin, il souligne que «la dangerosité immédiate» de Karim B. «n’a pas été évaluée».
Pourtant, le 5 mai, soit vingt-cinq jours avant sa mort et au lendemain du féminicide de Chahinez, brûlée vive en pleine rue à Mérignac, en Gironde, Aurélie Langelin a une nouvelle fois déposé plainte. Elle raconte aux forces de l’ordre que son conjoint menace de la tuer, de la brûler vive. Elle leur dit qu’il est sous bracelet électronique, qu’elle vit «dans la peur», qu’elle peut leur montrer les messages qu’il lui envoie. L’agent de police judiciaire prend sa plainte mais elle n’est pas transmise au procureur de la république. Aucune mesure de protection n’est mise en place. «Il lui rappelle simplement ce qu’elle risque pour dénonciation calomnieuse», affirme Damien Legrand. Sur le procès-verbal, un mobile est inscrit : «Passionnel.»