Le décès d’Hamidi Bensouina, dans l’incendie qu’il avait provoqué dans sa cellule de la maison d’arrêt de Douai, en novembre 2020, interpelle sur la gestion des multirécidivistes atteints de troubles psychiatriques.
C’est un homme qui, selon ses proches, n’aurait jamais dû mourir en prison. C’est aussi un cas dramatique qui pose de nombreuses questions quant au traitement des délinquants atteints de pathologies psychiatriques, entre nécessité de protéger la société et manque de soins adaptés en détention. Le 26 août 2020, Hamidi Bensouina, 49 ans, est emprisonné à Douai (Nord), à la suite de multiples condamnations. Trois mois plus tard, le 8 novembre, le numéro d’écrou 48 401 met le feu à sa cellule 332 et décède d’un arrêt cardiaque.
L’enquête ouverte pour rechercher les causes de la mort a établi qu’Hamidi Bensouina était « décédé après avoir volontairement incendié du linge », écrit Frédéric Teillet, le procureur de Douai, dans un courrier adressé à la famille du défunt. Il envisage donc de classer l’enquête sans suite. Si elle ne remet absolument pas en cause l’intervention des secours, ni le caractère intentionnel de l’incendie allumé par Hamidi Bensouina, sa famille s’étonne toutefois de la décision d’incarcérer cet homme hospitalisé en psychiatrie à plusieurs reprises et que l’administration pénitentiaire et les gardiens considéraient comme « perturbé psychologiquement » et « pas à sa place en prison ».
Il avait déjà mis le feu à sa cellule
En 2003, à 32 ans, Hamidi Bensouina est mis sous tutelle en raison d’une « altération des facultés mentales ». Les psychiatres diagnostiquent « des troubles du comportement » mêlés à des « phénomènes hallucinatoires auditifs ». Au gré d’une trentaine de condamnations, sa vie est rythmée par des allers-retours entre l’hôpital psychiatrique et la prison, où les séjours sont toujours compliqués. Dès juin 2011, un constat d’incident rédigé par la directrice ajointe de la prison de Douai juge ainsi son état mental « très préoccupant », parle d’un détenu « ingérable en détention » et devenu « indésirable dans les structures psychiatriques ». « Nous peinons à trouver des réponses adaptées au comportement de l’intéressé », déplore l’administration. Deux ans plus tard, Hamidi Bensouina met « intentionnellement le feu » à sa cellule une première fois.
Une expertise psychiatrique diligentée par la justice en août 2019 résume le dilemme posé par Hamidi Bensouina : elle fait état des « troubles psychiatriques majeurs » du quadragénaire, mais le considère comme responsable de ses actes. Avant sa dernière incarcération, à la suite d’un vol avec un couteau, un autre psychiatre arrive aux mêmes conclusions : le discernement du multirécidiviste est altéré, mais pas aboli. Il peut donc être incarcéré. « En tant que procureur, on se retrouve face à des situations complexes, explique Frédéric Teillet. Faute de soins psychiatriques empêchant le passage à l’acte de ces personnes, on a l’obligation, pour protéger la société, de les envoyer en prison. Laquelle a des moyens psychiatriques pour les aider qui sont sans doute limités… »
« Il n’a pas pu bénéficier d’une surveillance médicale adaptée »
Dès son retour en détention en août 2020, Hamidi Bensouina démontre vite des fragilités inquiétantes. À l’issue de sa première nuit, la pénitentiaire s’alarme de ses « troubles psy +++ » et rappelle ses multiples « séjours à l’unité hospitalière spécialement aménagée de Sarreguemines ». Cette fois-ci, pourtant, Hamidi Bensouina n’est pas exfiltré et est maintenu à Douai dans un régime carcéral classique. « Il y a une surreprésentation des pathologies psychiatriques en milieu carcéral, où l’accès aux soins est plus compliqué, faute de moyens, souligne un expert auprès des tribunaux. Le risque de suicide y est aussi plus difficile à prévenir qu’en milieu hospitalier. »
Un mois après son incarcération, Hamidi Bensouina met le feu à son rideau de douche. Le 6 novembre, un énième rapport alerte sur ce détenu « dépourvu de ses facultés mentales ». Deux jours plus tard, Hamidi Bensouina décède dans un nouvel incendie qu’il a déclenché. « L’incompatibilité de son état mental avec le milieu carcéral et les risques causés par son état psychiatrique étaient connus depuis longtemps par le personnel de la prison de Douai, déplore l’avocat de la famille, Me Damien Legrand. Pourtant, il a été maintenu dans cette prison, où il n’a pas pu bénéficier de soins et d’une surveillance médicale adaptée… » La famille envisage désormais de se retourner contre l’Etat.
Ecrit par Vincent Gautronneau
Publié le 11.04.21, voir l’article sur le site du Parisien