Mikael Corcessin, 41 ans, a été condamné, vendredi 27 mai, par la cour d’assises de Lyon, à vingt-cinq ans de réclusion criminelle, pour l’assassinat d’Aline Sepret, 35 ans, sa compagne, dans la nuit du 16 juin 2018. Le mot « féminicide » n’a pas été prononcé une seule fois au cours des trois jours de procès, mais cela n’a pas empêché de décrire les mécanismes à l’œuvre dans l’intimité du couple, glissant de l’emprise au processus criminel, dans des circonstances singulières.
Quelques heures avant le verdict, le président de la cour, Eric Chalbos, a diffusé dans le prétoire l’enregistrement de l’appel à la gendarmerie, passé le 16 juin 2018, à 4 h 24 du matin. Au téléphone, Mikael Corcessin, boulanger de métier reconverti comme DJ en Picardie avant de se produire comme chanteur de cabaret sous le nom de Maeky Sieme, signale la disparition de sa femme, une ancienne employée du service communication de l’université Lyon-III devenue danseuse de revues.
De faux SMS
Il se montre très inquiet et affirme qu’elle est partie pour lui « faire une surprise », sans revenir. Il a réponse à toutes les questions du gendarme dubitatif. Il précise même qu’il est légèrement blessé, parce qu’Aline a voulu « faire du bricolage ». En réalité, il présente des griffures au visage, sans doute parce que sa compagne a tenté de se défendre, désespérément.
A l’heure de l’appel au 17, Aline est déjà morte, carbonisée dans sa voiture, à 2 kilomètres du domicile. Un bout de tissu dans sa bouche et le reste d’une ceinture autour du cou laissent supposer qu’elle a été étranglée et étouffée avant l’incendie. L’analyse toxicologique montrera la présence d’amitriptyline dans son organisme. La dose de cet antidouleur aux effets sédatifs est dix fois supérieure à la prescription. Au 17, Mikael Corcessin affiche un sang-froid à toute épreuve. « On ne se dispute pas, c’est l’amour de ma vie. De son côté, c’est la même chose, je pense », affirme-t-il au gendarme. Plus tard dans la matinée, il cherche à convaincre les proches, en montrant des SMS d’Aline qu’il a lui-même envoyés.
La manipulation imprègne sa personnalité. La famille et les proches d’Aline rapportent mille détails de ses récits grandiloquents. Une fois, il prétend avoir survécu au crash d’un avion. Une autre, il raconte que sa petite amie a été écrasée par une voiture, alors qu’elle traversait la rue pour lui donner « un dernier baiser ». Depuis sa rencontre avec Aline, en 2014, il fait tout pour attirer l’attention. Et contrôler la jeune femme. Alors qu’il entretient des relations virtuelles sur des sites cryptés, il impose la surveillance numérique à sa compagne, avec géolocalisation permanente de leurs communications. En 2017, après un accident de voiture, le chanteur se plaint de douleurs, de sa voix endommagée et joue la victime, alors qu’Aline réussit sa conversion professionnelle.
« Aucune improvisation »
Mais sa sœur la voit se transformer, s’amaigrir. « J’ai tout de suite compris l’emprise qu’il avait sur elle. Il mentait tout le temps. Il finissait les phrases d’Aline, même au téléphone, c’est lui qu’on entendait derrière. Nous avions eu la même éducation, je me demandais : “Qu’est-ce qu’il arrive à faire croire à ma sœur ?” Il arrive à lui faire faire n’importe quoi », rapporte Perrine, à la barre. La sœur cadette décrit l’isolement progressif d’Aline et s’en veut terriblement de n’avoir pas su la convaincre de rompre avec ce personnage envahissant. En mai 2018, Aline lui raconte qu’elle a été blessée à la tête en pleine nuit. Corcessin explique, lui, qu’elle s’est cognée à cause de « crises d’angoisse ». L’enquête révèle qu’il a effectué des recherches sur Internet avec les mots-clés « frappe à la tête ». Et qu’il a envoyé un SMS dans la nuit : « Tu reviens bientôt mon cœur ? » Une manière de faire croire à son départ, alors qu’elle gisait dans son lit, ensanglantée. Le scénario s’est répété, un mois plus tard. Jusqu’au bout, cette fois.
« Aucune improvisation, aucune panique. Cette détermination est inquiétante. Il a finalement voulu la réduire au silence », a souligné Marie-Charlotte Fiorio, dans son réquisitoire. Pour l’avocate générale, des signes inquiétants s’étaient manifestés. Le chanteur avait déjà brutalisé une précédente concubine, en lui serrant la gorge. Personne n’avait perçu le danger d’une personnalité narcissique, dépourvue d’amour parental. « Il s’est construit sur le néant, ce qui explique qu’il vit dans le regard des autres », ont plaidé Loïc Bussy et Damien Legrand. Pour les avocats, l’abandon lui était psychiquement insupportable. D’où l’idée criminelle de tuer l’autre pour survivre soi-même.