Affaire Aline Sepret : le chanteur de cabaret soupçonné d’avoir drogué et étranglé sa compagne

Au départ, c’était une disparition. Ce 16 juin 2018, Mikael Corcessin-Dervin, chanteur de cabaret et comédien de 40 ans, alerte la gendarmerie. Sa compagne, Aline Sepret, une danseuse de 36 ans rencontrée sur scène et avec qui il vit depuis 2014, a disparu dans la nuit. Maeky Sieme − son surnom sur les planches − présente le visage d’un compagnon inquiet : il multiplie les appels aux proches de la jeune femme, envoie des SMS inquiets à sa compagne, poste un appel à l’aide sur Facebook. Face aux enquêteurs, il développe l’histoire d’un couple harmonieux. Le soir même, le corps calciné de la danseuse est découvert dans sa voiture à Taluyers (Rhône).

Dans le récit de Mikael Corcessin-Dervin, la disparition devient alors un tragique un accident domestique. En garde à vue, il revêt le costume du mari éploré, évoque une chute malheureuse d’Aline, qui a glissé et lui a griffé le visage avant de heurter une marche. « Je me suis souvenu qu’elle voulait être incinérée », explique le quadragénaire pour expliquer son choix de glisser la dépouille de sa compagne dans une voiture avant d’y mettre le feu. Placé en détention, l’intermittent du spectacle se tient à cette version pendant un an.

En juillet 2019, revirement. « Je suis au regret de vous donner raison quant à ma responsabilité dans le décès de ma femme, Aline, écrit-il au juge d’instruction. J’ai poussé violemment Aline, qui a fait une chute par-dessus une chaise dans la cuisine et qui est allée heurter une marche d’escalier ». L’accident domestique devient un homicide involontaire.

Des traces d’un antidépresseur et un morceau de tissu

Deux ans après le décès de la trentenaire, la donne a changé. Au cours du mois de juin 2020, Mikael Corcessin-Dervin a été mis en examen pour « assassinat » par le juge qui a repris la main sur le dossier. « Pour mes clients, c’est un soulagement de voir que la justice rejoint ce qu’ils suspectent depuis toujours, à savoir qu’Aline Sepret a été tuée et que cet acte était prémédité », souligne Me Patrick Uzan, l’avocat de la famille.

Pour requalifier les faits, le juge s’est notamment intéressé aux analyses toxicologiques de la danseuse. Le sang de la victime contenait ainsi des traces d’amitriptyline (un antidépresseur et antidouleur), un produit connu pour entraîner une importante léthargie.

Des résidus de ce médicament, prescrit à Mikael Corcessin-Dervin après un accident de voiture, ont d’ailleurs été découverts dans un verre à pied et un shot à vodka retrouvés dans l’évier au domicile du couple. Des verres que l’intermittent du spectacle avait servis à sa compagne à son retour du travail. Il avait d’ailleurs coupé la vodka avec de la grenadine. Un moyen efficace pour « contrer l’amertume du médicament », avance le magistrat instructeur. « Je n’ai rien ajouté dans le verre, continue toutefois d’affirmer Mikael Corcessin-Dervin. Quand j’ai connu Aline, elle faisait de l’automédication. »

Mais un autre élément troublant est venu, ces derniers jours, renforcer les soupçons contre le chanteur de cabaret. L’analyse d’un morceau de tissu découvert dans la bouche d’Aline révèle « la présence d’une couture ou d’orifices évoquant ceux d’une ceinture ». Or, un légiste consulté en novembre 2019 avait écarté l’hypothèse d’une chute et conclut que la mort de la jeune femme était due à « une asphyxie mécanique ».

La piste désormais privilégiée par le magistrat est donc celle d’un étranglement à l’aide d’une ceinture sur une victime préalablement droguée pour éviter toute résistance. Le quadragénaire aurait ensuite brûlé le corps pour ne pas laisser de trace. Questionné en juin sur cette version de la nuit du 16 juin 2018, le suspect a assuré ne pas avoir « d’autres souvenirs qui sont revenus ».

Se retrouver seul sans elle aurait été «insupportable»

Reste une question : pourquoi le quadragénaire aurait-il voulu tuer cette femme qui lui avait « tapé dans l’œil » et qu’il « aimait beaucoup plus au fil des ans » ? Le soir de sa mort, Aline Sepret avait découvert une boîte mail secrète de son compagnon, grâce à laquelle il échangeait avec d’autres femmes. Le couple s’était pourtant promis, après de premières infidélités du chanteur, une « transparence » totale. Aline avait-elle prévu de quitter cet homme volage avec qui elle n’était plus épanouie ?

« Quand elle a découvert cette boîte mail, elle était énervée et m’a copieusement engueulée », a admis le chanteur en juin avant de préciser sa pensée de manière inquiétante : « Me retrouver seul sans elle aurait été difficilement supportable. En fait, insupportable. »

Contactés, Mes Damien Legrand et Loïc Bussy, les avocats de Mikael Corcessin-Dervin, n’ont pas souhaité s’exprimer.

Publié le 24 l’article sur le site du Parisien