Pourquoi, trois ans après le viol collectif d’une ado dans un hôtel, tous les suspects sont libres

“Le cabinet avait été un des premiers à obtenir, début 2019, la remise en liberté de notre client.” Damien Legrand

Que s’est-il exactement passé dans cette chambre de l’hôtel Première Classe louée par un jeune homme, le 7 mars 2018, à Cuincy  ? Trois ans plus tard, les juges d’instruction qui se sont succédé viennent seulement de clôturer l’information judiciaire. Les aveux des uns, les dénégations et les contradictions des autres sont, pour le moment, toujours reclus dans le secret du dossier d’instruction et il faudra encore attendre plusieurs mois avant de connaître l’épilogue de cette affaire.

Après la plainte de l’adolescente de 16 ans, victime de cette soirée d’horreur, l’enquête de police avait permis d’arrêter douze personnes le 3 avril. Douze personnes, dont une était incarcérée, qui avaient été placées en garde à vue avant que cinq d’entre elles ne soient mises en examen.

Cinq libérations

L’information judiciaire ouverte par le parquet de Douai le 5 avril 2018 vise des faits de viols en réunion. Immédiatement après leur mise en examen, cinq jeunes hommes d’une vingtaine d’années, dont un mineur de 17 ans, avaient été placés en détention provisoire. Au fil de l’instruction, au moins deux d’entre eux, notamment le mineur, avaient été libérés.

Depuis le 19 mars dernier, les autres suspects toujours incarcérés sont aussi sortis de prison. Ils devraient rester libres sous contrôle judiciaire jusqu’à l’ouverture de leur procès devant une cour d’assises.

Délai légal

Ces libérations, alors qu’aucun des suspects n’a été jugé, ne sont pas une erreur judiciaire. Non seulement, ils sont présumés innocents mais la durée de leur détention provisoire avait atteint une limite. Elle ne doit pas dépasser trois ans.

Selon l’article 145-2 du code de procédure pénale et sauf cas exceptionnel (bande organisée, terrorisme, etc.), « La personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et au-delà de trois ans dans les autres cas ». Pour viol en réunion, la peine encourue est de vingt ans.

Ce qui veut dire que les suspects, s’ils sont condamnés à une peine ferme à l’issue du procès, pourraient être à nouveau incarcérés… alors qu’ils auront peut-être déjà entamé des démarches de réinsertion ou trouvé un travail durant leur période de liberté.

 

Ces libérations automatiques, alors que le procès n’a pas eu lieu, jettent la lumière sur le retard pris par les juges d’instruction. La crise sanitaire est passée par là mais le manque de moyens et la charge de travail sont aussi en cause. Depuis 2009, Douai est « pôle d’instruction », ce qui signifie que ses juges doivent instruire les dossiers douaisiens mais également ceux du Cambrésis. Entre 2019 et 2020, le nombre d’affaires en cours y a augmenté de plus de 17 % quand celui des affaires terminées a chuté de plus de 37 %. CQFD.

Ecrit par J. C., publié le 31/03/21

Voir l’article sur le site de la Voix du Nord.