“Beaucoup de questions et beaucoup d’hypothèses. Le cabinet travaille à ce que l’audience de cour d’assises permette d’y répondre. Nous sommes toujours à pied d’oeuvre pour nos clients.” Damien Legrand
Aux yeux de la plupart de leurs proches, Aline Sepret, 35 ans, et son compagnon, Mikaël Corcessin-Dervin, de deux ans son aîné, formaient un couple amoureux et uni. Un duo à la ville comme à la scène puisqu’ils partageaient la passion du spectacle, elle comme danseuse, lui comme musicien chanteur sous le nom de scène de Maeky Sieme. C’est lors d’une répétition en 2013 que la jeune femme, qui travaillait encore à l’université de Lyon avant de se dévouer à la danse, lui avait « tapée dans l’œil ». Très vite, ils s’étaient installés ensemble, dans la maison étagée qu’elle possédait à Taluyers (Rhône). « J’aimais tout chez elle », a-t-il affirmé lors d’un de ses derniers interrogatoires devant le juge d’instruction, en exprimant « regretter ce qui s’est passé ».
Car l’image d’un compagnon épris soucieux de « rendre heureuse » sa partenaire a volé en éclats le 17 juin 2018 au matin lorsque le corps d’Aline Sepret a été découvert, entièrement calciné, dans sa voiture incendiée dans un champ proche de leur domicile. Au terme de l’instruction, durant laquelle le mis en examen a multiplié les versions et invoqué d’incessants trous de mémoire, le juge Nicolas Chareyre a décidé, le 7 juin, de renvoyer Mikaël Corcessin-Dervin devant la cour d’assises du Rhône pour assassinat. Son procès pourrait se tenir avant la fin de l’année.
Ses avocats, Mes Damien Legrand et Loïc Bussy, qui n’ont pas fait appel de l’ordonnance de mise en accusation, espèrent que l’audience permettra de « mieux cerner les contours de la responsabilité » de leur client, notamment en ce qui concerne la préméditation, qu’il conteste. « Il a reconnu sa responsabilité dans la mort de sa compagne mais de nombreuses zones d’ombre demeurent », soulignent-ils.
À la façon d’un Jonathan Daval, Mikaël Corcessin-Dervin avait d’abord tenté de faire croire – à coups de SMS, d’appels au 17, au Samu et à des proches – à une disparition nocturne de sa compagne, soi-disant partie lui chercher « une surprise ». Un an plus tard, dans une lettre au premier juge saisi du dossier, il avait admis avoir « violemment poussé Aline » lors d’une dispute, surgie parce qu’elle avait découvert qu’il utilisait une boîte mail dont elle n’avait pas connaissance pour échanger avec d’autres femmes – le couple s’était pourtant promis « une transparence totale » après un premier épisode analogue en 2014.
L’hypothèse d’une mort par asphyxie
Face au second juge, l’ancien chanteur est resté arc-bouté sur ce scénario d’une mort accidentelle, causée par une chute à la tête sur une marche d’escalier. « Je n’ai jamais voulu le décès d’Aline », a-t-il maintes fois répété, expliquant avoir brûlé son corps parce qu’il s’était souvenu qu’elle souhaitait être incinérée en cas de décès. « J’espérais jusqu’au bout qu’elle se réveille », a-t-il aussi dit, affirmant avoir renoncé in extremis à s’immoler avec elle alors que la voiture, arrosée de white-spirit, s’embrasait.
Pour le dernier magistrat instructeur, la « position minimaliste » du mis en cause, qui s’abriterait derrière son « absence de souvenirs », ne résiste pas aux éléments recueillis durant l’enquête. Il considère à l’inverse qu’Aline Sepret a été la victime d’un féminicide prémédité : elle aurait été droguée et étranglée puis sa dépouille incendiée pour « faire disparaître des traces et indices d’un geste criminel. »
L’autopsie du corps n’a ainsi pas permis de déceler de lésion traumatique à la base du crâne – aucune trace de sang n’a en outre été retrouvée au domicile du couple. Le médecin légiste avance en revanche l’hypothèse d’une mort par asphyxie. Des fragments de tissu calcinés, semblables à ceux d’une ceinture, ont été retrouvés autour du cou de la défunte et dans sa bouche.
Un épisode troublant s’était en outre déroulé un mois et demi avant le décès d’Aline Sepret, souligne l’ordonnance de mise en accusation : la jeune femme s’était blessée à la tête dans son sommeil. Une photo la montre, début mai 2018, le crâne ceint d’un bandage. Or quelques heures auparavant, Mikaël Corcessin-Dervin avait précisément cherché sur Internet « les conséquences d’une frappe à la tête » et effacé cette recherche. Aurait-il voulu tester sur elle cette nuit-là les effets sédatifs de l’amitriptyline ?
Un homme « manipulateur », à la personnalité narcissique
Reste la question du mobile, que l’instruction n’a pas permis d’établir. L’artiste, contraint à renoncer à sa carrière en raison des séquelles de son accident de 2017, aurait-il été jaloux de la réussite croissante de sa conjointe ? « J’étais très fier que sa compagnie décolle », a-t-il répondu. Cet homme à la personnalité narcissique « supportant mal l’abandon ou la séparation », selon un expert psychiatre, « manipulateur » selon la famille d’Aline, aurait-il craint qu’elle ne le quitte ? « Il s’en servait de chauffeur, d’infirmière, de cuisinière. Je sais qu’elle était excédée », décrit une proche du couple.
« Maeky ne se bouge pas », avait confié Aline à des amis, expliquant qu’ils n’avaient plus de relations sexuelles depuis un an. « Je pense que cette période a été très difficile pour elle mais je n’en avais pas conscience à l’époque », a balayé l’intéressé, reconnaissant toutefois, dans une singulière formule : « Je n’ai pas voulu le décès d’Aline. Me retrouver tout seul sans elle, cela aurait été difficilement supportable. En fait, insupportable. »
Ecrit par Pascal Egré,
Publié le 28 juillet 2021, voir l’article sur le site du Parisien.